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  • http://kobabakafrance.canalblog.com/ faire connaître le peuple Baka (Pygmées du sud Cameroun), les aider à acquérir le développement par le biais de l’agriculture et de l’élevage sans toute fois oublier leurs origines et la culture Baka.
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28 juin 2009

Les Pygmées Bakas de Djoum :

Les oubliés du développement durable.

Par

Théophile BOUKI, Forestier,

Ingénieur de développement local,

Doctorant en sociologie au LADYSS/CNRS

Université Paris 10 Nanterre(France)

th2bouki@yahoo.fr

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Voilà plus d’une décennie que les discours des institutions internationales (Banque Mondiale, F.A.O, Union Européenne, par exemple) et des ONG œuvrant pour la conservation et le développement se focalisent sur l’implication des populations locales dans les plans de gestion et d’aménagement des forêts. Au Cameroun, comme dans tous les pays du Bassin du Congo, les politiques font de la gestion de leurs forêts un des enjeux majeurs du développement humain. Dans cette ligne directive, la gestion durable des ressources forestières apparaît comme un impératif de premier ordre pour le gouvernement camerounais qui considère que le développement durable passe désormais par l’élaboration et l’exécution d’un plan d’aménagement visant l’intégration des dimensions écologiques, économiques et sociales.

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Mode vie Baka avant la sédentarisation caractérisant le nomadisme. Aujourd’hui, ils installent leur hutte en bordure de route (forêt du Sud-Cameroun). Cliché : BOUKI (avril 2005).

Le contexte socio-économique et culturel des Pygmées Bakas du Sud-Cameroun est presque en marge de la vision sur le développement durable. La dimension sociale, dans le sens de leur participation aux processus de prise de décisions dans l’élaboration des plans d’aménagement et de gestion des forêts, reste jusqu’à ce jour négligée. Les difficultés d’adaptation de ce peuple condamné à cohabiter avec les Bantous depuis leur sédentarisation constituent une épine dorsale de schémas de développement élaborés par les politiques. Dans une période où le pouvoir et la légitimité de ces populations vivant au contact direct de la forêt semblent en jeu, il est d’autant plus nécessaire de prêter une attention particulière aux problèmes que rencontre ce « peuple autochtone » encore exclu et marginalisé.

Les Pygmées Bakas sont présents dans les forêts du Bassin du Congo. De nombreuses études anthropologiques montrent que ce peuple constitue les premiers habitants de cette région forestière. Par exemple, VANSINA (1990) montre dans ses travaux que la colonisation de la forêt par les peuples Bantous a eu pour résultat l’occupation d’un territoire déjà en partie peuplé par des groupes Pygmées dits « chasseurs-cueilleurs » de culture paléolithique. Ils constituent une communauté localisée dans le territoire forestier du Sud-Est camerounais. Dans l’arrondissement de Djoum, leur sédentarisation a été accélérée par le Père Ignace DELHEMME (missionnaire français) qui les obligea à sortir de la forêt pour échapper aux représailles lancées par l’armée gouvernementale contre les forces révolutionnaires de l’U.P.C (parti d’opposition dans les années 1970). Ce fut une forme de regroupement autoritaire le long des routes et aux cotés des villageois (les Fang principalement). Les campements Bakas sont aujourd’hui installés en bordure des routes, jouxtant les villages Bantous. Dans ces nouveaux lieux de résidence, chaque groupe social est dirigé par un Kobo. Il s’agit de l’homme le plus âgé groupe. Il est présenté comme le plus sage. Sa voix est la plus écoutée lorsqu’on traite les problèmes du campement : mariage, litiges conjugaux, problème d’initiation, etc.

   

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Kobo et doyen des Pygmées Bakas sédentaires du campement de Minko'o.

Cliché : Monesma (février 2007).

En 1994, l’Etat camerounais a manifesté sa volonté de favoriser le développement socio-économique de son secteur forestier. Les populations riveraines des forêts de production sont les acteurs directement concernés. Il n’est pas inutile de rappeler que, par rapport au code forestier antérieur, l’une des innovations de la réforme forestière traduite par la loi du 21 janvier 1994 reste d’affectation financière d’une partie des redevances forestières annuelles versées par les opérateurs économiques qui opèrent dans ces forêts soumises à l’exploitation forestière. Celle-ci est représentée par une écotaxe communautaire en faveur des villages et des campements Bakas. En plus de cela s’ajoute la RFA communale versée aux maires des communes rurales. En légalisant cette compensation financière, les pouvoirs publics ont tenté de pallier les lacunes de l’ancien système marqué par une gestion totalement centralisée de la rente forestière. Dès 1998, le ministère des finances et celui de l’administration territoriale ont signé un arrêté conjoint (Arrêté n° 122 MINEFI/MINAT du 22 avril 1998) pour rationaliser sa gestion.

Sous cet aspect, nous considérons que les politiques ont fait un pas géant vers la reconnaissance des liens ancestraux unissant les populations locales et leur forêt via la taxe forestière intégrée dans chaque exercice budgétaire annuel. Les sommes collectées par le Trésor public sont redistribuées à deux principaux bénéficiaires : les populations riveraines et la commune. Du point de vue organisationnel, la part revenant aux villageois (ainsi qu’aux Bakas) est versée aux maires des communes situées dans les zones d’exploitation forestière. Dans la foulée, le gouvernement a institué les Comités de Gestion des Redevances Forestières (CGRF), précisant les modalités d’utilisation de ces deniers publics. En principe, ces sommes ne peuvent être affectées qu’à la réalisation des projets sociaux à caractère collectif. Même si la réalité actuelle n’est pas conforme à cette exigence, force est de reconnaître l’efficacité de cette ouverture politique. Compte tenu de cette évolution, il ne serait pas plausible pour les populations locales de manquer de reconnaissance vis-à-vis des politiques qui ont manifesté une attitude positive par rapport à la répartition de cette manne forestière. Ils se sont volontairement dessaisis de la gestion entière de celle-ci. 

A chaque exercice budgétaire annuel, le payement de ces taxes est effectif. Par exemple, l’arrondissement de Djoum compte aujourd’hui neuf Unités Forestières d’Aménagement (ou forêts de production) attribuées au 20 juin 2005. Sur les redevances forestières annuelles versées à cette commune et aux populations riveraines (entre 2000 et 2004) par le Programme de Sécurisation des Recettes Forestières (PSRF), les données disponibles font état de 811.593.527 millions de Frs CFA de taxe communale et de 203.217.222 millions de Frs CFA de taxe communautaire (respectivement 1.237.185 et 309.782 euros). Cependant, le principal problème qui fruste les Bakas, mais aussi les villageois, reste son utilisation inappropriée par les acteurs censés les représenter, c’est-à-dire une partie de cette rente est souvent utilisée à des fins personnelles. L’affectation de ces 10% de redevance destinées aux communautés locales est rarement l’émanation des villageois, loin encore celle des Pygmées Bakas.

Elément positif dans le village de Minko’o : utilisant la RFA communautaire, le chef du village a construit une école à proximité de campement Bakas afin de favoriser la scolarisation de tous les enfants. Mais devant la pauvreté qui persiste dans les forêts, les Bakas ne sont pas capables d’envoyer leurs enfants à l’école de manière à ce qu’ils suivent le programme scolaire de façon continue. Rare sont les enfants Bakas qui terminent le cycle primaire. La volonté gouvernementale se traduit donc par  l’acquisition des forêts communautaires et la gestion des Revenus Forestières Annuelles : 40% revenant aux communes et 10% aux populations riveraines. Concernant les forêts communautaires du GIC AMOTA d’Amvam, dont le plan simple de gestion a été mis en œuvre dès 2005, les Bakas faisant partie de ce groupement ne tirent aucun avantage des bénéfices issus de l’exploitation de cette forêt. Dès lors, ne convient-il pas de se demander si les orientations politiques définies après la conférence de  Rio de 1992 répondent réellement aux attentes et aux aspirations des « peuples autochtones » ? Les acquis de la politique forestière promulguée en 1994 sont-ils favorables à leur développement ? La situation actuelle des Pygmées Bakas de l’arrondissement de Djoum révèle qu’il est difficile de répondre positivement à ces questions.

Au regard de cette préoccupation, nous notons que la mutation de la politique forestière camerounaise s’inscrit dans le contexte où la faible dotation en infrastructures et équipement communautaires apparaît comme l’un des aspects négatifs qui accompagnent les efforts gouvernementaux. Le plus souvent, l’utilisation des revenus issus de l’exploitation des forêts communautaires et des RFA communautaires n’est pas conforme aux exigences légales et ce pour deux raisons: 1) le comité de gestion des écotaxes forestières est principalement composé des chefs de villages et des notables, 2) dans la gestion des RFA communales, le maire qui est entouré de ces conseils municipaux, reste le seul gestionnaire valable et formel selon le cadre légal. De ce dispositif de gestion, il ressort que le niveau de participation de toute la couche de la société est dérisoire. Dans les deux cas, il y a une exclusion systématique des Pygmées Bakas dans les organes de gestion. Du fait de leur appartenance à une ethnie minoritaire, ceux-ci sont tenus à l’écart des processus de prise de décisions, de l’accès à des services et aux informations relatives à ces deniers publics. L’exclusion de ce peuple découle de la réalité  socioculturelle locale. Depuis leur sédentarisation, ce sont les Bantous qui déterminent la place et le rôle que chaque groupe humain doit occuper dans la société. A côté de cela, il y a aussi des rapports sociaux très inégalitaires et des considérations culturelles qui les confinent dans une position de subordination et de dépendance vis-à-vis des Bantous. Cette exclusion est encore plus insidieuse dès lors qu’elle se fait à travers les institutions locales dans lesquelles les élites politiques s’illustrent : elles ne font pas preuve de largesse à leur égard.

Sédentarisés à près de 70%, les Bakas font l’objet des lourds préjugés. Contrairement aux idées reçues, ils réclament aujourd’hui une meilleure intégration. Dans la nouvelle ère de la mondialisation, l’économie de marché pénètre dans toutes les sociétés. Même chez les Pygmées qui ne connaissaient pas les échanges marchands via la monétarisation, sont touchés par le phénomène de « civilisation ». Les Bakas sont donc en phase de transition pour leur économie. Pendant des siècles, voire des millénaires, ils ont entretenu des relations avec leurs voisins immédiats (les Bantous) par le système de coopération fondé sur le troc. Auparavant ils s’échangeaient des gibiers contre des produits vivriers ou du sel, des cigarettes, du savon, … Aujourd’hui, avec la sédentarisation décrétée par les pouvoirs administratifs de l’Afrique post-coloniale, ils rompent avec ce mode de vie de « chasseurs-cueilleurs ». Cela créé de nouveaux besoins à cette population.

A l’état actuel des choses, il est impossible d’apprécier efficacement la démarche de développement durable promue par la réforme de 1994. Les Bakas subissent un impact négatif de la présence des UFA et Aires protégées dans leur territoire. Beaucoup d’entre eux prennent conscience qu’ils finiront leur vie en dehors des normes sociales et culturelles propres à leur mode de vie de nomadisme. Malgré le décret instituant la compensation financière à leur égard, le montage juridique constitué par les comités de gestion des redevances forestières annuelles apparaît comme un germe de marginalisation de cette catégorie sociale. Les progrès de la décentralisation de la gestion des forêts sont éclipsés par des problèmes persistants sur les fronts de l’éducation à la gestion démocratique. Aujourd’hui, la pauvreté reste l’une des menaces les plus graves et les plus difficiles à dissiper qui pèsent sur ce peuple. Aussi, il n’y a pas d’équité et de justice sociale vis-à-vis d’eux, car les modalités de la gestion des écotaxes communautaires échappent à leur contrôle.

Sur cette base, on peut se demander si 20 ans après le Rapport de Brundtland sur le développement durable, l'espérance de lutte contre la pauvreté dans le secteur forestier camerounais est-elle réelle ? Répondre à cette question suppose s’engager dans une réflexion sur la création d’espaces d’expression et de dialogue territorial qui permettraient à ces populations vulnérables de faire entendre leur voix et d’être représentées de manière légitime dans toutes les sphères politiques de prise de décisions sur les affaires les concernant. Le processus d’inclusion sociale ne doit-il pas constituer une piste pour la  sauvegarde de l’équilibre social ? Il apparaît que la réponse qui cadre le mieux à leurs préoccupations est celle mettant l’accent sur le renforcement des capacités d’organisation de ce peuple. Cela suppose aussi interpeller l’Etat qui devrait créer un cadre institutionnel propice au renforcement de l’inclusion sociale. Ne doit-il pas être capable de suivre les initiatives de développement mises en œuvre à partir des écotaxes destinées aux populations locales, à travers des programmes bien ciblés comprenant, entre autre, un volet axé sur les droits des personnes exclues ? Disons-le encore : les peuples autochtones d’Afrique centrale sont les grands oubliés des projets de développement.

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Commentaires
V
En fait, moi je pense que le développement durable est une notion semblable à la démocratie, pas idéologiquement mais du point de vue de sa conception et de sa concrétisation. C'est une notion occidentale, ce sont eux qui détruisent l'environnement. Mais si l'on observe bien le mode de vie des Africains, ils ont déjà appliqué ce développement durable depuis bien longtemps. En effet, il n'y a que les occidentaux qui exploitent massivement les ressources naturelles. Les Africains, eux, ils n'utilisent que ce dont ils ont besoin, ils ne cherchent pas à tout commercialiser. Ils sont en paix avec la nature. Voyez un peu dans les zones très reculés de l'Afrique, où la main occidentale n'est pas encore passée. Là-bas, tout est encore préservé et il n'y a aucun risque pour l'environnement! L'homme y est conscient que sans cet environnement, il va mourir.
O
Bonjour chers frères,<br /> <br /> Je vous prie de continuer à nous soutenir afin que le développement arrive dans l'arrondissement de Djoum.
A
salut suis jeune étudiante 23 ans a L E N S de yaoundé mon theme porte sur les déterminants sociculturels et attitudes vis à vis de l école des pygmées bakas j ai besoin d aides sur une meilleure problématique merci
A
salut suis jeune étudiante 23 ans a L E N S de yaoundé mon theme porte sur les déterminants sociculturels et attitudes vis à vis de l école des pygmées bakas j ai besoin d aides sur une meilleure problématique merci
F
salut grand frère,nous sommes étudiants en master de géographie de l'Univ de YAOUNDE 1,et ravi d'avoir lu cet extrait;nous menons des recherches sur la marginalisation des pygmées camerounais,merci de bien vouloir nous aider,bye.
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